SIBO : une dysbiose intestinale sous-estimée
Le Small Intestinal Bacterial Overgrowth, ou SIBO, est une affection encore trop souvent mal comprise. Il s’agit d’une pullulation bactérienne dans l’intestin grêle, zone habituellement peu colonisée. Contrairement à une infection aiguë, le SIBO implique des bactéries dites « commensales » devenues problématiques par leur excès.
Cette dysbiose du grêle perturbe la digestion et entraîne une production excessive de gaz. Elle est désormais reconnue comme une des principales causes du syndrome de l’intestin irritable (SII), rendant son diagnostic et sa prise en charge essentiels.
SIBO et syndrome de l’intestin irritable : un lien étroit mais non systématique
De nombreuses études, en particulier celles du Dr Mark Pimentel, ont établi un lien entre le SIBO et le SII. Certaines avancent une prévalence atteignant jusqu’à 80-90 % de SIBO chez les patients souffrant de SII.
Cependant, une méta-analyse de 2022 portant sur 37 études tempère ces chiffres : la prévalence moyenne observée est d’environ 49 %. Il est donc inexact de considérer que tous les SII sont des SIBO, bien que l’inverse soit souvent vrai : la majorité des SIBO induisent des symptômes évocateurs du SII.
Le SIBO n’est pas causé par une migration bactérienne depuis le côlon
Contrairement à une idée répandue, le SIBO n’est pas, sauf exception, la conséquence d’une migration rétrograde des bactéries coliques. Il résulte le plus souvent d’une pullulation locale, causée par une altération de la motilité intestinale, notamment du complexe moteur migrant (CMM).
Des études ont démontré une nette différence entre les populations bactériennes du côlon et celles du grêle. Une publication de 2017 a confirmé qu’aucune preuve de migration bactérienne depuis le côlon n’était observable dans les cas de SIBO diagnostiqués par séquençage du microbiote du jéjunum.
Le SIBO : déséquilibre fonctionnel plutôt que maladie
Le SIBO n’est pas considéré comme une pathologie en soi, mais comme une conséquence de déséquilibres digestifs ou systémiques. Il s’agit d’un état de dysbiose causé par un ou plusieurs facteurs tels que :
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chirurgie digestive,
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ralentissement du transit,
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hypochlorhydrie,
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usage prolongé de certains médicaments (IPP, opioïdes).
Le SIBO doit ainsi être envisagé comme un épiphénomène révélant un dérèglement fonctionnel à investiguer.
Le SIBO peut-il devenir chronique ?
La chronicité du SIBO dépend de sa cause. Si celle-ci est identifiée et traitée efficacement, la résolution est possible. À l’inverse, lorsque le facteur déclenchant (exemple : chirurgie irréversible) ne peut être corrigé, le SIBO peut s’inscrire dans la durée.
C’est pourquoi la prise en charge du SIBO doit commencer par une recherche étiologique approfondie.
Quelles sont les causes du SIBO ?
On distingue quatre grands types de causes :
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Altération de la motilité intestinale (notamment du CMM),
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Obstruction ou ralentissement du flux digestif,
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Déficits physiologiques de l’intestin (sécrétion d’enzymes, acidité gastrique),
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Causes iatrogènes (liées aux traitements médicamenteux).
L’une des causes majeures reconnues est l’intoxication alimentaire. Certaines infections bactériennes (Campylobacter, Salmonella…) peuvent générer des auto-anticorps dirigés contre la vinculine, protéine impliquée dans le CMM. Ces anticorps, en altérant les cellules de Cajal, perturbent la motilité et favorisent le développement du SIBO.
Diagnostiquer le SIBO : la place centrale du test respiratoire
Le diagnostic repose principalement sur le test respiratoire à l’hydrogène et au méthane, effectué après ingestion de glucose ou de lactulose. Ce test, validé par le consensus nord-américain de 2017, est peu coûteux, simple et non invasif.
Les deux substrats ont chacun leurs avantages :
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Le glucose est plus spécifique mais peut manquer les SIBO distaux,
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Le lactulose est plus sensible mais moins spécifique.
L’analyse des résultats doit tenir compte de critères internationaux (consensus de Rome et consensus nord-américain), et surtout être corrélée aux symptômes du patient.
Existe-t-il plusieurs types de SIBO ?
Oui. Il est désormais admis que plusieurs configurations existent :
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SIBO Hydrogène (H2),
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SIBO Hydrogène Sulfureux (H2S),
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IMO (Intestinal Methanogen Overgrowth), anciennement appelé SIBO méthane (CH4).
Chacune de ces formes induit des symptômes et une prise en charge spécifiques. L’IMO est par exemple très fréquemment associé à la constipation, tandis que les SIBO H2 et H2S sont plutôt liés à des diarrhées.
L’analyse du microbiote fécal permet-elle de détecter un SIBO ?
L’analyse du microbiote fécal repose sur un séquençage ARN 16S des selles, reflet du microbiote colique. Elle n’est donc pas adaptée pour diagnostiquer un déséquilibre du grêle.
Cependant, certaines études ont montré une corrélation entre un test positif au méthane et la présence élevée de Methanobrevibacter smithii dans les selles. Cette analyse peut donc fournir des indices complémentaires pour l’IMO ou le SIBO H2S, mais ne remplace en aucun cas le test respiratoire.
Comment traiter un SIBO ou un IMO ?
La prise en charge repose sur une stratégie multifactorielle :
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Identifier et traiter la cause sous-jacente,
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Adapter le régime alimentaire en fonction du type de SIBO,
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Introduire un traitement antimicrobien (antibiotique ou phytothérapie),
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Soutenir la motilité intestinale avec des prokinétiques,
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Envisager l’utilisation ciblée de probiotiques validés.
Des études ont démontré une efficacité comparable entre certains antimicrobiens naturels (berbérine, origan, extraits de grenade) et la rifaximine, antibiotique de référence pour le SIBO hydrogène.
Conclusion
Le SIBO est une dysbiose fonctionnelle souvent méconnue, dont la prise en charge nécessite une approche intégrative et personnalisée. Elle doit s’appuyer sur un diagnostic rigoureux, une analyse fine des causes, une prise en charge nutritionnelle adaptée et des outils thérapeutiques validés. La médecine fonctionnelle et la micronutrition offrent un cadre pertinent pour aborder ces troubles complexes.
Références scientifiques (format Vancouver) :
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