Dans une société hyperconnectée, les écrans sont devenus omniprésents : travail, loisirs, informations, relations… Pourtant, cette exposition prolongée a un impact majeur, souvent sous-estimé, sur notre cerveau. En particulier, elle influence nos neuromédiateurs, ces messagers chimiques essentiels à notre équilibre mental, émotionnel et physiologique.
Médecin nutritionniste spécialisé en médecine fonctionnelle, je vous propose de faire le point sur les effets des écrans sur le cerveau à travers le prisme des neuromédiateurs, et de découvrir des solutions concrètes, nutritionnelles et comportementales, pour préserver vos fonctions cognitives.
Les neuromédiateurs : les chefs d’orchestre de notre cerveau
Les neuromédiateurs sont des molécules chimiques qui assurent la communication entre les neurones. Ils régulent nos émotions, notre sommeil, notre attention, notre appétit, notre motivation. Les plus connus incluent :
-
Dopamine : motivation, récompense, concentration
-
Sérotonine : humeur, sommeil, régulation de l’appétit
-
GABA : apaisement, inhibition du stress
-
Mélatonine : synchronisation des rythmes veille-sommeil
-
Noradrénaline : vigilance, réaction au stress
Ces neuromédiateurs sont extrêmement sensibles à l’environnement, à notre mode de vie… et à nos comportements numériques.
L’impact des écrans sur la dopamine et la motivation
L’utilisation excessive des écrans stimule en permanence les circuits dopaminergiques. Chaque notification, vidéo, ou “like” provoque une micro-libration de dopamine. À court terme, cela peut entraîner une forme d’euphorie ou d’excitation mentale. Mais à long terme, cette surstimulation crée une désensibilisation des récepteurs.
Ce phénomène, observé notamment chez les adolescents, conduit à une baisse du plaisir pour les activités ordinaires, une forme d’anhédonie et une difficulté à rester concentré sur des tâches simples, non numériques.
Un cerveau surexposé aux écrans devient dépendant d’un haut niveau de stimulation pour fonctionner normalement.
La lumière bleue : un frein à la sécrétion de mélatonine
La lumière bleue émise par les écrans (téléphones, tablettes, ordinateurs, téléviseurs) a un effet direct sur la sécrétion de mélatonine, l’hormone du sommeil. En soirée, cette lumière trompe l’horloge biologique en simulant la lumière du jour. Résultat :
-
Difficultés d’endormissement
-
Réduction du sommeil profond
-
Fragmentation du cycle circadien
Une diminution chronique de la mélatonine affecte aussi l’immunité, la régénération cellulaire et l’humeur.
Hyperstimulation et épuisement du GABA
Le GABA (acide gamma-aminobutyrique) est le principal neuromédiateur inhibiteur du cerveau. Il joue un rôle central dans la gestion du stress, de l’anxiété, de l’impulsivité.
Or, la consommation excessive de contenus numériques rapides et fragmentés sollicite constamment le système nerveux central, empêchant les phases de repos neuronal indispensables. Cette stimulation constante épuise progressivement les réserves de GABA, conduisant à une hypersensibilité émotionnelle, une irritabilité et une réduction de la tolérance au stress.
Une vulnérabilité particulière chez les jeunes, les femmes et les personnes surchargées
Certaines populations sont particulièrement sensibles à ces déséquilibres :
-
Les enfants et adolescents, dont le cerveau est en développement, présentent une neuroplasticité élevée et un seuil de régulation émotionnelle plus fragile.
-
Les femmes, plus exposées au multitâche numérique (travail, famille, soins), voient leur charge cognitive amplifiée, avec un impact hormonal et neurochimique marqué.
-
Les personnes déjà en surcharge mentale, qui compensent leur fatigue par une consommation passive d’écrans, aggravant le phénomène.
Approche nutritionnelle et fonctionnelle pour soutenir les neuromédiateurs
La médecine fonctionnelle propose des solutions pour rééquilibrer la production et la régulation des neuromédiateurs à travers l’alimentation et le mode de vie.
Les nutriments-clés :
-
Tryptophane (précurseur de la sérotonine) : œufs, dinde, légumineuses, bananes
-
Tyrosine (précurseur de la dopamine) : amandes, poisson, graines de courge
-
Magnésium : cacao brut, légumes verts, oléagineux
-
Zinc : fruits de mer, viande rouge modérée, lentilles
-
Vitamine B6, B9, B12 : foie, œufs, céréales complètes
-
Oméga-3 (EPA/DHA) : poissons gras (sardines, maquereaux), graines de lin, huiles végétales de qualité
Ces nutriments permettent la synthèse optimale des neuromédiateurs, réduisent l’inflammation neurotoxique et améliorent la plasticité neuronale.
Des gestes simples pour un cerveau moins saturé
Voici 5 conseils simples à intégrer au quotidien pour protéger votre cerveau :
1. Limiter les écrans le soir
Éteignez les écrans 1h avant le coucher. Privilégiez la lecture, les échanges ou la relaxation.
2. Aérer le cerveau
Pratiquez des pauses sans stimulation numérique (balade, silence, respiration).
3. Optimiser votre alimentation cérébrale
Assurez un apport régulier en protéines, bons gras, vitamines du groupe B et antioxydants.
4. Bouger pour mieux penser
L’activité physique stimule la dopamine, réduit le stress et améliore le sommeil.
5. Instaurer des temps de déconnexion planifiés
Un jour “off” numérique par semaine peut suffire à recharger vos circuits neuronaux.
Conclusion : Un cerveau sain se nourrit aussi… de calme
Nos neuromédiateurs sont des alliés précieux. Mais ils sont fragiles, sensibles aux surcharges, au stress… et aux excès d’écrans.
La bonne nouvelle ? En prenant soin de notre alimentation, de notre sommeil et de notre rythme de vie, nous pouvons restaurer l’équilibre neurochimique, retrouver plus de clarté mentale, et reconnecter notre cerveau à ce qui compte vraiment.
Sources scientifiques
-
Montag C, Walla P. Addictive use of smartphones and mental disorders in young adults: A population-based study. Front Psychol. 2021;12:703411.
-
Chang AM et al. Evening use of light-emitting eReaders negatively affects sleep, circadian timing, and next-morning alertness. PNAS. 2015;112(4):1232–1237.
-
Yuan K et al. Microstructure abnormalities in adolescents with Internet addiction disorder. Addict Biol. 2011;16(1):145–157.