Quand la fatigue ne part plus
Marie, 44 ans, consultante, mène une vie intense. Depuis un an, elle accumule les signes d’épuisement : réveils non réparateurs, irritabilité, perte de motivation, baisse de libido, prise de poids abdominale. Son médecin traitant n’a rien trouvé d’anormal dans ses bilans classiques.
Elle consulte finalement en médecine fonctionnelle. Une exploration hormonale révèle un profil inattendu : prégnénolone effondrée, DHEA très basse, cortisol du matin plat. Le verdict : une phase d’épuisement neuroendocrinien.
Comment en est-elle arrivée là ? Que signifient ces marqueurs ? Et surtout, comment les utiliser pour accompagner au mieux ce type de patients ?
Comprendre la prégnénolone : la « mère des hormones »
La prégnénolone est un stéroïde produit à partir du cholestérol dans les mitochondries des cellules surrénaliennes et cérébrales. Elle constitue la molécule précurseur de nombreuses hormones : progestérone, cortisol, DHEA, testostérone, œstrogènes.
Elle joue donc un rôle pivot dans la réponse au stress via l’activation de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (axe HPA). Un déficit en prégnénolone peut entraîner une cascade de déséquilibres hormonaux, affectant l’énergie, l’humeur, la cognition et l’immunité.
L’axe HPA et les 3 phases du stress adaptatif
Inspirée des travaux de Hans Selye, la lecture fonctionnelle du stress repose sur 3 grandes phases biologiques, identifiables par un profil hormonal typique.
Phase d’alarme
Le corps réagit à un stress aigu.
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Prégnénolone : augmentée
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Cortisol : élevé
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DHEA : normale à augmentée
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Symptômes : tension, hypervigilance, sommeil léger, anxiété
Phase de résistance
L’organisme s’adapte, mais commence à s’épuiser.
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Prégnénolone : normale ou en baisse
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Cortisol : normal ou variable
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DHEA : en baisse progressive
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Symptômes : fatigue en fin de journée, irritabilité, diminution de la libido
Phase d’épuisement
Les surrénales ne suivent plus.
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Prégnénolone : très basse
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Cortisol : effondré (surtout le matin)
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DHEA : très basse
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Symptômes : fatigue chronique, baisse de concentration, dépression, hypotension, hypoglycémie
Ces profils sont aussi influencés par l’ACTH (hormone hypophysaire qui stimule le cortisol) et les neuromédiateurs comme la sérotonine ou la dopamine, eux aussi impactés par le stress chronique (Sakai et al., 2020).
Interprétation fonctionnelle et stratégie thérapeutique
La lecture croisée de ces marqueurs permet une approche individualisée. Voici quelques axes d’intervention.
Adaptogènes
Utiles en phase de résistance ou d’alarme :
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Rhodiola rosea
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Ashwagandha (Withania somnifera)
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Ginseng (Panax ginseng)
(Baudry et al., 2019)
Soutien mitochondrial
En phase d’épuisement :
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CoQ10
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NADH
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L-carnitine
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PQQ
(Tomasetti et al., 2021)
Modulation neurohormonale
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Soutien de la sérotonine : tryptophane, 5-HTP, safran
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Soutien de la dopamine : tyrosine, mucuna pruriens
(Gomez-Pinilla, 2008)
Hygiène de vie individualisée
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Sommeil réparateur
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Gestion du stress (cohérence cardiaque, méditation)
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Activité physique modérée
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Apport lipidique de qualité (le cholestérol n’est pas toujours l’ennemi)
Pourquoi cette approche change tout
Plutôt que de traiter uniquement les symptômes (fatigue, anxiété, burn-out), la médecine fonctionnelle cherche à remonter à la racine du déséquilibre : une régulation hormonale perturbée par un stress chronique non compensé.
Marie, notre patiente du début, a retrouvé un équilibre progressif grâce à une approche combinée : soutien des mitochondries, correction nutritionnelle, relance douce de la DHEA, et surtout, un rythme de vie réajusté.
Conclusion opérationnelle
L’interprétation des profils hormonaux, centrée sur la prégnénolone, constitue un levier puissant pour comprendre et corriger les effets du stress chronique sur la santé. Encore faut-il poser les bonnes questions… et ne pas se contenter de regarder le cortisol seul.