Un simple « bilan standard » est-il suffisant pour évaluer votre santé ?

Dans la pratique médicale courante, un « bilan sanguin » se résume souvent à une numération formule sanguine (NFS), une glycémie, un bilan lipidique, parfois une TSH ou une fonction hépatique.

Ces examens sont utiles pour dépister certaines pathologies aiguës ou établir un diagnostic. Mais ils ne permettent pas d’évaluer la qualité fonctionnelle du métabolisme, ni de détecter les déséquilibres silencieux à l’origine de nombreuses plaintes chroniques : fatigue, troubles digestifs, prise de poids inexpliquée, baisse de concentration ou douleurs diffuses.

La médecine fonctionnelle propose une lecture plus fine, plus précoce et plus intégrative du bilan biologique. Voici une sélection de tests utiles mais rarement prescrits, pourtant décisifs pour ajuster une stratégie nutritionnelle personnalisée.

1. Le dosage de l’homocystéine : un marqueur clé du métabolisme cellulaire

Pourquoi c’est important

L’homocystéine est un acide aminé soufré issu du métabolisme de la méthionine. Son élévation est associée à un risque cardiovasculaire accru, mais aussi à des troubles cognitifs, des migraines, des troubles de la fertilité ou une fatigue chronique.

Ce que révèle une homocystéine élevée

• Déficit en folates, vitamine B6 ou B12

• Dysfonctionnement de la méthylation

• Inflammation de bas grade ou stress oxydatif

• Mauvais recyclage du glutathion

2. Le test HOMA-IR : un outil simple pour détecter la résistance à l’insuline

Pourquoi c’est important

La glycémie à jeun seule ne suffit pas à évaluer le métabolisme glucidique. De nombreux patients présentent une glycémie normale tout en développant une résistance à l’insuline, processus silencieux mais central dans la prise de poids, la fatigue chronique, les troubles hormonaux et les pathologies inflammatoires.

Le HOMA-IR (Homeostasis Model Assessment of Insulin Resistance) est un indice de résistance à l’insuline calculé à partir de l’insuline à jeun et de la glycémie à jeun.

Formule :

HOMA-IR = (Insuline à jeun µU/mL × Glycémie à jeun mmol/L) ÷ 22,5

Ce que révèle un HOMA-IR élevé

• Début de résistance à l’insuline, même avec glycémie normale

• Tendance au stockage adipeux, hypoglycémies réactionnelles

• Fatigue après les repas, fringales sucrées, baisse de concentration

• Risque accru de syndrome métabolique, stéatose hépatique, SOPK

3. Le magnésium intra-érythrocytaire : bien plus fiable que le magnésium sérique

Pourquoi c’est important

Le magnésium est un cofacteur de plus de 300 réactions enzymatiques. Pourtant, le dosage sérique est peu informatif car le magnésium est essentiellement intracellulaire.

Le dosage intra-érythrocytaire (dans les globules rouges) reflète mieux les réserves tissulaires.

Ce que révèle un taux bas

• Fatigue chronique, troubles du sommeil, palpitations

• Spasmes musculaires, hypersensibilité au stress

• Risque accru de syndrome métabolique et d’inflammation

4. L’index oméga-3 : une fenêtre sur votre statut inflammatoire

Pourquoi c’est important

Le rapport entre les oméga-3 (EPA, DHA) et les oméga-6 reflète l’état inflammatoire cellulaire. Un déficit en oméga-3 est corrélé à de nombreux troubles chroniques : troubles de l’humeur, maladies cardiovasculaires, inflammations chroniques.

Ce que révèle un index oméga-3 bas

• Terrain inflammatoire silencieux

• Risque accru de dépression, troubles cognitifs, troubles immunitaires

• Besoin de rééquilibrage alimentaire et/ou de supplémentation

5. Le dosage de la vitamine D : un classique… trop peu vérifié

Pourquoi c’est important

La vitamine D est une hormone essentielle impliquée dans l’immunité, la régulation hormonale, la prévention des troubles auto-immuns, la santé osseuse, l’équilibre émotionnel.

Elle est pourtant dosée de façon très inconstante en pratique courante, ou uniquement chez les personnes âgées.

Ce que révèle un taux bas

• Immunité affaiblie, douleurs articulaires, fatigue chronique

• Troubles de l’humeur ou du sommeil

• Risque accru d’ostéopénie ou d’ostéoporose

6. La ferritine interprétée en contexte fonctionnel

Pourquoi c’est important

La ferritine reflète les réserves en fer. Mais elle est aussi un marqueur de l’inflammation. Une ferritine « normale » peut masquer une carence vraie chez une femme jeune ou un sportif.

À surveiller

• Fatigue, chute de cheveux, baisse de performance physique

• Ferritine < 30 ng/mL chez une femme : souvent carence

• Ferritine > 150 avec CRP élevée : évoquer inflammation chronique

7. Le profil thyroïdien complet : bien plus que la TSH

Pourquoi c’est important

La TSH seule ne suffit pas à détecter les hypothyroïdies fonctionnelles. Il faut compléter avec les dosages de FT4, FT3, rT3 et des anticorps anti-thyroïdiens.

Ce que révèle un profil complet

• Conversion inefficace de la T4 en T3

• Présence d’un blocage de la T3 par excès de stress (rT3 élevé)

• Thyroïdite auto-immune silencieuse

8. La zonuline : explorer l’intégrité de la barrière intestinale

Pourquoi c’est important

La zonuline est une protéine qui module la perméabilité intestinale. Son élévation est associée à un intestin « perméable », favorisant l’inflammation, les troubles digestifs, les intolérances alimentaires ou les pathologies auto-immunes.

Ce que révèle une zonuline élevée

• Hyperperméabilité intestinale (leaky gut)

• Risque de dysbiose, inflammation chronique, intolérances alimentaires

• Intérêt d’un protocole de réparation de la barrière intestinale

Pourquoi ces bilans sont rarement proposés en routine

Plusieurs raisons expliquent leur absence dans les prescriptions classiques :

• Non remboursés par la Sécurité sociale

• Interprétation plus complexe nécessitant une lecture fonctionnelle

• Manque de formation continue des médecins sur ces paramètres

• Absence de valeur de référence consensuelle dans certains cas

Pourtant, ces marqueurs sont validés scientifiquement et utilisés depuis des années en recherche clinique ou en médecine préventive.

Une lecture fonctionnelle, clinique et individualisée

L’intérêt de ces bilans réside dans leur interprétation contextualisée : un même résultat n’a pas la même signification selon l’âge, le sexe, le terrain génétique, le mode de vie et les symptômes du patient.

Ils permettent de comprendre les mécanismes sous-jacents à une plainte chronique, de détecter des dérégulations précoces, et d’intervenir avant que la maladie n’apparaisse.

Conclusion : pour une médecine de terrain, pas seulement de seuil

Les bilans fonctionnels offrent une autre lecture de la biologie humaine. Ils éclairent les « zones grises » qui échappent aux critères classiques, mais où s’expriment les symptômes les plus fréquents de la vie moderne.

Pour une stratégie nutritionnelle réellement personnalisée, ces marqueurs sont des outils de précision. Ils permettent de sortir de la logique du « tout normal » face à un patient qui ne se sent pas bien, et d’ouvrir la voie à une médecine proactive, préventive et individualisée.

Références scientifiques

• Obeid R, Herrmann W. Mechanisms of homocysteine neurotoxicity in neurodegenerative diseases with special reference to dementia. FEBS Lett. 2006;580(13):2994-3005.

• Gröber U, et al. Magnesium in prevention and therapy. Nutrients. 2015;7(9):8199-8226.

• Von Schacky C. Omega-3 index and cardiovascular health. Nutrients. 2014;6(2):799-814.

• Fasano A. Zonulin and its regulation of intestinal barrier function: the biological door to inflammation, autoimmunity, and cancer. Physiol Rev. 2011;91(1):151-175.