Introduction
Les profils à haut potentiel intellectuel (HPI) fascinent autant qu’ils interrogent. Rapides, intenses, sensibles, souvent en décalage avec leur environnement, les HPI possèdent une structure cognitive et émotionnelle singulière. Mais cette singularité ne se manifeste pas uniquement au niveau mental ou intellectuel.
Fatigue chronique, troubles digestifs, irritabilité, insomnie, hypersensibilité sensorielle : autant de signes fréquemment rapportés chez les adultes et enfants HPI. Ces manifestations sont souvent attribuées à la charge mentale ou au fonctionnement émotionnel particulier de ces profils.
Et si une partie de la réponse se trouvait aussi dans le terrain biologique ? C’est ce que propose d’explorer la micronutrition, une branche de la nutrition fonctionnelle qui s’intéresse à l’équilibre fin des vitamines, minéraux, acides gras et oligoéléments.
Qu’est-ce que la micronutrition ?
La micronutrition est une approche qui vise à optimiser le fonctionnement de l’organisme en identifiant et corrigeant les déficits ou déséquilibres en micronutriments : vitamines, minéraux, acides gras essentiels, antioxydants, etc. Elle s’appuie sur une compréhension fine des interactions entre ces éléments et les grandes fonctions physiologiques (neurologiques, immunitaires, digestives, etc.).
Dans le cadre du HPI, cette approche prend tout son sens, car les besoins physiologiques peuvent être accrus en raison d’une activité mentale intense, d’un stress chronique ou d’une sensibilité exacerbée.
Les spécificités physiologiques des profils HPI
Le HPI est souvent associé à une activité cérébrale plus intense, une hypersensibilité émotionnelle et sensorielle, et une pensée arborescente rapide. Ces caractéristiques, loin d’être uniquement psychologiques, reposent aussi sur des processus neurobiologiques spécifiques.
En pratique, les professionnels de santé formés à la nutrition fonctionnelle observent fréquemment chez les profils HPI :
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Une plus grande réactivité au stress
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Des troubles du sommeil ou des phases d’hypervigilance nocturne
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Une susceptibilité accrue à l’inflammation de bas grade
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Des troubles digestifs (ballonnements, intestin irritable, perméabilité intestinale)
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Une fatigue mentale ou physique récurrente malgré un bon sommeil
 
Les micronutriments clés chez les HPI
Plusieurs micronutriments semblent jouer un rôle particulièrement important dans la régulation des fonctions cérébrales et émotionnelles chez les profils HPI. Voici les plus fréquemment étudiés ou observés en pratique clinique :
Magnésium
Le magnésium est un minéral essentiel au bon fonctionnement neuromusculaire, à la gestion du stress et à la régulation du système nerveux autonome. Il intervient dans plus de 300 réactions enzymatiques, dont celles impliquées dans la synthèse de la sérotonine.
Chez les HPI, la carence en magnésium est souvent liée à un état de stress chronique, à des troubles du sommeil ou à une hyperexcitabilité neuronale.
Barbagallo M, Dominguez LJ. Magnesium and aging. Curr Pharm Des. 2010;16(7):832–9. [1]
Zinc
Le zinc joue un rôle central dans la modulation des neurotransmetteurs, notamment la dopamine et le GABA. Il participe aussi à la neuroplasticité et à l’immunomodulation.
Les déficiences en zinc peuvent majorer l’irritabilité, les troubles de l’humeur et les troubles de l’attention.
Skalny AV, et al. Serum zinc, copper, and magnesium levels in children with ADHD: a meta-analysis. Nutrients. 2020;12(6):1555. [2]
Vitamine B6
Souvent complémentaire du magnésium, la vitamine B6 est essentielle à la synthèse des neuromédiateurs (dopamine, sérotonine, noradrénaline). Un déficit peut entraîner une baisse de la régulation émotionnelle, de la concentration et un dérèglement de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien.
Oméga-3
Les acides gras oméga-3, en particulier EPA et DHA, sont des composants majeurs des membranes neuronales. Ils soutiennent la plasticité cérébrale, la mémoire, l’attention et contribuent à réduire l’inflammation cérébrale.
Une carence peut exacerber la vulnérabilité émotionnelle et diminuer la résilience au stress.
Bauer I, et al. Omega-3 fatty acids in the treatment of mood disorders: a meta-analysis. J Clin Psychiatry. 2014;75(2):e143–e150. [3]
Fer
Moins souvent évoqué, le fer est pourtant fondamental dans la synthèse de la dopamine. Une carence même modérée peut impacter l’attention, la motivation et favoriser des troubles de l’humeur ou du sommeil.
Beard JL. Iron deficiency alters brain development and functioning. J Nutr. 2003;133(5):1468S–1472S. [4]
Mécanismes physiopathologiques en jeu
Au-delà des carences, certains mécanismes sont particulièrement actifs chez les profils HPI :
Hyperexcitabilité neuronale
L’intensité cognitive observée chez les HPI peut refléter une activité neuronale plus dense, parfois mal régulée, nécessitant un apport suffisant en cofacteurs régulateurs (magnésium, zinc, B6…).
Perméabilité intestinale et microbiote
Le microbiote joue un rôle central dans la régulation du système nerveux (axe intestin-cerveau). Une dysbiose ou une perméabilité intestinale peut entraîner une neuroinflammation ou une diminution de la biodisponibilité en micronutriments.
Kelly JR, et al. Breaking down the barriers: the gut microbiome, intestinal permeability and stress-related psychiatric disorders. Front Cell Neurosci. 2015;9:392. [5]
Stress oxydatif
L’intensité émotionnelle, les troubles du sommeil et le stress chronique exposent les HPI à un excès de radicaux libres. Des apports insuffisants en antioxydants et en nutriments protecteurs peuvent favoriser un déséquilibre de terrain.
Pistes pratiques d’accompagnement
En consultation, il est pertinent de :
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Réaliser un bilan biologique ciblé (magnésium, zinc, fer, 25(OH)D, B6)
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Évaluer la qualité de l’alimentation (teneur en fibres, oméga-3, antioxydants)
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Soutenir la santé intestinale (probiotiques, alimentation fermentée, glutamine, polyphénols)
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Corriger les carences identifiées par une supplémentation personnalisée
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Accompagner le stress et le sommeil de manière intégrative
 
Conclusion
Le haut potentiel n’est pas qu’un fonctionnement intellectuel particulier : c’est un terrain global, qui mobilise davantage de ressources physiologiques. Dans cette optique, la micronutrition offre un levier précieux pour soutenir l’équilibre mental, émotionnel et physique des personnes HPI.
Loin de toute promesse miracle, cette approche propose un changement de regard : mieux comprendre l’intensité de l’intérieur, et y répondre avec nuance, science et bienveillance.
Références (Vancouver)
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Barbagallo M, Dominguez LJ. Magnesium and aging. Curr Pharm Des. 2010;16(7):832–9.
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Skalny AV, et al. Serum zinc, copper, and magnesium levels in children with ADHD: a meta-analysis. Nutrients. 2020;12(6):1555.
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Bauer I, et al. Omega-3 fatty acids in the treatment of mood disorders: a meta-analysis. J Clin Psychiatry. 2014;75(2):e143–e150.
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Beard JL. Iron deficiency alters brain development and functioning. J Nutr. 2003;133(5):1468S–1472S.
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Kelly JR, et al. Breaking down the barriers: the gut microbiome, intestinal permeability and stress-related psychiatric disorders. Front Cell Neurosci. 2015;9:392.